viernes, 17 de junio de 2016

Dios ha muerto, de Gérard de Nerval

Dieu. est mort! le ciel est vide...

Pleurez! enfants, vous n'avez plus de père

Jean-Paul.



I



Quand le Seigneur, levant au ciel ses maigres bras,

Sous les arbres sacrés, comme font les poètes,

Se fut longtemps perdu dans ses douleurs muettes,

Et se jugea trahi par des amis ingrats,



Il se tourna vers ceux qui l'attendaient en bas

Rêvant d'être des rois, des sages, des prophètes...

Mais engourdis, perdus dans le sommeil des bêtes,

Et se prit à crier: "Non, Dieu n'existe pas!"



Ils dormaient. "Mes amis, savez-vous la nouvelle?

J'ai touché de mon front à la voûte éternelle;

Je suis sanglant, brisé, souffrant pour bien des jours!



Frères, je vous trompais: Abîme! abîme! abîme!

Le dieu manque à l'autel où je suis la victime...

Dieu n'est pas! Dieu n'est plus!" Mais ils dormaient toujours!





Cristo en [el monte de] los Olivos



¡Dios ha muerto! El cielo está vacío…

¡Llorad, hijos, que ya no tenéis padre!

JEAN-PAUL



I



Cuando al cielo levó el Señor sus magros brazos,

Bajo árboles sacros, como hacen los poetas,

Se hundió por largo tiempo en sus dolores mudos,

Y por falsos amigos se supo traicionado;



Y miró a los que abajo lo esperaban, durmiendo,

Soñando con ser reyes, y sabios, y profetas,

Letárgicos, perdidos en sueño de las bestias,

E inició su grito constante: “¡Dios no existe!”



Pero ellos dormían. “Amigos, ¿sabéis el evangelio?

Mi frente rozó el límite de bóvedas eternas;

Estoy sangrante, roto, sufriendo de continuo.



Hermanos, he mentido: ¡Abismo!, ¡abismo!, ¡abismo!

El dios falta en las aras en las que soy la víctima…

¡Dios no está! ¡Dios no existe!” ¡Pero ellos dormían!



II



Il reprit: "Tout est mort! J'ai parcouru les mondes;

Et j'ai perdu mon vol dans leurs chemins lactés,

Aussi loin que la vie, en ses veines fécondes,

Répand des sables d'or et des flots argentés:



Partout le sol désert côtoyé par des ondes,

Des tourbillons confus d'océans agités...

Un souffle vague émeut les sphères vagabondes,

Mais nul esprit n'existe en ces immensités.



En cherchant l'oeil de Dieu, je n'ai vu qu'une orbite

Vaste, noire et sans fond, d'où la nuit qui l'habite

Rayonne sur le monde et s'épaissit toujours;



Un arc-en-ciel étrange entoure ce puits sombre,

Seuil de l'ancien chaos dont le néant est l'ombre,

Spirale engloutissant les Mondes et les jours!





II



Y siguió: “¡Todo muerto! Atravesé los mundos;

Y me perdí en los rumbos de sus caminos lácteos,

Muy lejos, do la vida, de sus venas ubérrimas,

Derrama arenas áureas y olas argentinas:



Y todo suelo yermo ceñido por las ondas,

Confusos torbellinos de océanos convulsos…

Un soplo vago impulsa esferas vagabundas,

Pero en la inmensidad no existe un solo espíritu.



Buscando la mirada de Dios, hallé una órbita,

Sin fondo, negra, vasta, albergue de la noche

Que fluye sobre el mundo y más y más se espesa.



Un extraño arco iris rodea el pozo umbrío,

Umbral del Caos arcaico cuya sombra es la Nada,

Un espiral que engulle los Mundos y los días”.



III



"Immobile Destin, muette sentinelle,

Froide Nécessité!... Hasard qui, t'avançant

Parmi les mondes morts sous la neige éternelle,

Refroidis, par degrés, l'univers palissant,



Sais-tu ce que tu fais, puissance originelle,

De tes soleils éteints, l'un l'autre se froissant...

Es-tu sûr de transmettre une haleine immortelle,

Entre un monde qui meurt et l'autre renaissant?...



O mon père! est-ce toi que je sens en moi-même?

As-tu pouvoir de vivre et de vaincre la mort?

Aurais-tu succombé sous un dernier effort



De cet ange des nuits que frappa l'anathème?

Car je me sens tout seul à pleurer et souffrir,

Hélas! et, si je meurs, c'est que tout va mourir!"





III



“¡Inmovible destino, silente centinela,

Necesidad helada!… Azar que en tus avances,

Entre los orbes muertos bajo la nieve eterna

Enfrías, paso a paso, al pálido universo,



¿Sabes tú lo que haces, potencia primigenia,

Con tus soles extintos, golpeándose en su danza?…

¿Seguro estás de dar un hálito perenne

Entre un mundo que muere y otro renaciente?…



Oh Padre, ¿eres el mismo que siento adentro mío?

¿Poder tienes de vida y de vencer la muerte?

¿O habrás tú sucumbido bajo el último esfuerzo



Del ángel de las noches que se hundió a tu anatema?…

Pues me siento tan solo en mi llanto, en mi angustia.

Quizás, ay, si yo muero, conmigo muera todo.



IV



Nul n'entendait gémir l'éternelle victime,

Livrant au monde en vain tout son coeur épanché;

Mais prêt à défaillir et sans force penché,

Il appela le seul - éveillé dans Solyme:



"Judas! lui cria-t-il, tu sais ce qu'on m'estime,

Hâte-toi de me vendre, et finis ce marché:

Je suis souffrant, ami! sur la terre couché...

Viens! ô toi qui, du moins, as la force du crime!"



Mais Judas s'en allait, mécontent et pensif,

Se trouvant mal payé, plein d'un remords si vif

Qu'il lisait ses noirceurs sur tous les murs écrites...



Enfin Pilate seul, qui veillait pour César,

Sentant quelque pitié, se tourna par hasard:

"Allez chercher ce fou!" dit-il aux satellites.





IV



Mas nadie oyó gemir a la víctima eterna,

Que en vano derramaba su corazón completo;

Y ya a desfallecer, con las fuerzas huidas,

Él apeló al Solo – que velaba en Solyma:



“¡Judas! – gritó – bien sabes en cuánto se me estima.

Apúrate a venderme, pon fin a tu negocio:

¡Estoy sufriendo, amigo!, reptando ya por tierra…

¡Oh tú que al menos tienes la fuerza para el crimen!”



Pero Judas marchábase, culposo y pensativo,

Sintiéndose mal pago, y con remordimientos

Tan negros que en los muros escritos los veía.



Por fin, sólo Pilatos, que velaba por César,

Con algo de piedad como al azar tornóse:

“¡Id a buscar al loco!” – les dijo a sus adlátares.



V



C'était bien lui, ce fou, cet insensé sublime...

Cet Icare oublié qui remontait les cieux,

Ce Phaéton perdu sous la foudre des dieux,

Ce bel Atys meurtri que Cybèle ranime!



L'augure interrogeait le flanc de la victime,

La terre s'enivrait de ce sang précieux...

L'univers étourdi penchait sur ses essieux,

Et l'Olympe un instant chancela vers l'abîme.



"Réponds! criait César à Jupiter Ammon,

Quel est ce nouveau dieu qu'on impose à la terre?

Et si ce n'est un dieu, c'est au moins un démon..."



Mais l'oracle invoqué pour jamais dut se taire;

Un seul pouvait au monde expliquer ce mystère:

- Celui qui donna l'âme aux enfants du limon.





V



Por fin aquí está el loco, el orate sublime…

¡El Ícaro olvidado que remontó los cielos,

El Faetón caído al rayo de los dioses,

El malherido Atys que Cibeles reanima!



Interrogó el arúspice el flanco de la víctima,

La tierra emborrachóse de su preciosa sangre…

Tembló el universo fallándole sus ejes,

Y en vértigo el Olimpo se aproximó al abismo.



“¡Responde! – gritó el César a Júpiter Ammón –

¿Quién es el nuevo dios que se impone a la tierra?

Si acaso no es un dios, será un daimón al menos…”



Pero calló por siempre el invocado oráculo;

Tan solo Alguien podría dar cuenta del misterio:

- El que insufló las almas a los hijos del fango.


 NOTAS

Algunos de los sonetos de esta serie de cinco fueron publicados en L’ Artiste, 31 de marzo de 1844. También se conservan en manuscritos. Incluida en Pequeños Castillos… Versión definitiva en Las Hijas del Fuego, 1854