miércoles, 17 de enero de 2018

Botella al mar, Alfred de Vigny

La bouteille à la mer / La botella al mar

Texto original y traducción

Alfred de Vigny (1797–1863)

I
Courage, ô faible enfant de qui ma solitude
Reçoit ces chants plaintifs, sans nom, que vous jetez
Sous mes yeux ombragés du camail de l’étude,
Oubliez les enfants par la mort rrêtés;
Oubliez Chatterton, Gilbert et Malfilâtre;
De l’œuvre d’avenir saintement ildolâtre;,
Enfin, oubliez l’homme en vous-même.—Écoutez:

II
Quand un grave marin voit que le vent l’emporte
Et que les mâts brisés pendent tous sur le pont,
Que dans son grand duel la mer est la plus forte
Et que par des calculs l’esprit en vain répond;
Que le courant l’écrase et le roule en sa course,
Qu’il est sans gouvernail, et, partant, sans ressource,
Il se croise les bras dans un clame profond.

III
Il voit les masses d’eau, les toise et les mesure,
Les méprise en sachant qu’il en est écrasé,
Soumet son âme au poids de la matière impure
Et se sent mort ainsi que son vaisseau rasé.
—A de certains moments, l’âme est sans résistance;
Mais le penseur s’isole et n’attend d’assistance
Que de la forte foi dont il est embrasé.

IV
Dans les heures du soir, le jeune Capitaine
A fait ce qu’il a pu pour le salut des siens.
Nul vaisseau n’appararaît sur la vague lointaine,
La nuit tombe, et le brick court aux rocs indiens.
—Il se résigne, il prie; il se recueille, il pense
A celui qui soutient les pôles et balance
L’équateur hérissé des longs méridiens.

V
Son sacrifice est fait; mais il faut que la terre
Recueille du travail le pieux monument.
C’est le journal savant, le calcul solitaire,
Plus rare que la perle et que le diamant;
C’est la carte des flots faite dans la tempête,
La carte de l’écueil qui va briser sa tête:
Aux voyageurs futurs sublime testament.

VI
Il écrit: ‘Aujourd’hui, le courant nous entraîne,
Désemparés, perdus, sur la Terre-de-Feu.
Le courant porte à l’est. Notre morte est certaine:
Il faut cingler au nord pour bien passer ce lieu.
—Ci-joint est mon journal, portant quelques études
Des constellations des hautes latitudes.
Qu’il aborde, si c’est la volonté de Dieu!’

VII
Puis, immobile et froid, comme le cap des brumes
Qui sert de sentinelle au détroit Magellan,
Sombre comme ces rocs au front chargé d’écumes,
Ces pics noirs dont chacun porte un deuil castillan,
Il ouvre une bouteille et la choisit très forte,
Tandis que son vaisseau que le courant emporte
Tourne en un cercle étroit comme un vol de milan.

VIII
Il tient dans une main cette vieille compagne,
Ferme, de l’autre main, son flanc noir et terni.
Le cachet porte encor le blason de Champagne:
De la mousse de Reims son col vert est jauni.
D’un regard, le marin en soi-même rappelle
Quel jour il assembla l’équipage autour d’elle,
Pour porter un grand toste au pavillon béni.

IX
On avait mis en panne, et c’était grande fête;
Chaque homme sur son mât tenait le verre en main;
Chacun à son signal se découvrit la tête,
Et répondit d’en haut par un hourra soudain.
Le soleil souriant dorait les voiles blanches;
L’air ému répétait ces voix mâles et franches,
Ce noble appel de l’homme à son pays lointain.

X
Après le cri de tous, chacun rêve en silence.
Dans la mousse d’Aï luit l’éclair d’un bonheur;
Tout au fond de son verre il aperçoit la France.
La France est pour chacun ce qu’y laissa son cœur:
L’un y voit son vieux père assis au coin de l’âtre,
Comptant ses jours d’absence; à la table du pâtre,
Il voit sa chaise vide à côté de sa sœur.

XI
Un autre y voit Paris, où sa fille penchée
Marque avec les compas tous les souffles de l’air,
Ternit de pleurs la glace où l’aiguille est cachée,
Et cherche à ramener l’aimant avec le fer.
Un autre y voit Marseille. Une femme se lève,
Court au port et lui tend un mouchoir de la grève,
Et ne sent pas ses pieds enfoncés dans la mer.

XII
O superstition des amours ineffables,
Murmures de nos cœurs qui nous semblez des voix,
Calculs de la science, ô décevantes fables!
Pourquoi nous apparaître en un jour tant de fois?
Pourquoi vers l’horizon nous tendre ainsi des pièges?
Espérances roulant comme roulent les neiges;
Globes toujours pétris et fondus sous nos doigts!

XIII
Où sont-ils à présent? où sont ces trois cents braves?
Renversés par le vent dans les courants maudits,
Aux harpons indiens ils portent pour épaves
Leurs habits déchirés sur leurs corps refroidis,
Les savants officiers, la hache à la ceinture,
Ont péri les premiers en coupant la mâture:
Ainsi, de ces trois cents il n’en reste que dix!

XIV
Le capitaine encor jette un regard au pôle
Dont il vient d’explorer les détroits inconnus.
L’eau monte à ses genoux et frappe son épaule;
Il peut lever au ciel l’un de ses deux bras nus.
Son navire est coulé, sa vie est révolue:
Il lance la Bouteille à la mer, et salue
Les jours de l’avenir qui pour lui sont venus.

XV
Il sourit en songeant que ce fragile verre
Portera sa pensée et son nom jusqu’au port;
Que d’une île inconnue il agrandit la terre;
Qu’il marque un nouvel astre et le confie au sort:
Que Dieu peut bien permettre à des eaux insensées
De perdre des vaisseaux, mais non pas des pensées;
Et qu’avec un flacon il a vaincu la mort.

XVI
Tout est dit. A présent, que Dieu lui soit en aide!
Sur le brick englouti l’onde a pris son niveau.
Au large flot de l’est le flot de l’ouest succède,
Et la Bouteille y roule en son vaste berceau.
Seule dans l’Océan la frêle passagère
N’a pas pour se guider une brise légère;
Mais elle vient de l’arche et porte le rameau.

XVII
Les courants l’emportaient, les glaçons la retiennent
Et la couvrent des plis d’un épais manteau blanc.
Les noirs chevaux de mer la heurtent, puis reviennent
La flairer avec crainte, et passent en soufflant.
Elle attend que l’été, changeant ses destinées,
Vienne ouvrir le rempart des glaces obstinées,
Et vers la ligne ardente elle monte en roulant.

XVIII
Un jour, tout était calme et la mer Pacifique,
Par ses vagues d’azur, d’or et de diamant,
Renvoyait ses splendeurs au soleil du tropique.
Un navire y passait majestueusement;
Il a vu la Bouteille aux gens de mer sacrée:
Il couvre de signaux sa flamme diaprée,
Lance un canot en mer et s’arrête un moment.

XIX
Mais on entend au loin le canon des Corsaires;
Le Négrier va fuir s’il peut prendre le vent.
Alerte! et coulez bas ces sombres adversaires!
Noyez or et bourreaux du couchant au levant!
La frégate reprend ses canots et les jette
En son sein, comme fait la sarigue inquiète,
Et par voile et vapeur vole et roule en avant.

XX
Seule dans l’Océan, seule toujours!—Perdue
Comme un point invisible en un mouvant désert,
L’aventurière passe errant dans l’étendue,
Et voit tel cap secret qui n’est pas découvert.
Tremblante voyageuse à flotter condamnée,
Elle sent sur son col que depuis une année
L’algue et les goémons lui font un manteau vert.

XXI
Un soir enfin, les vents qui soufflent des Florides
L’entraînent vers la France et ses bords pluvieux.
Un pêcheur accroupi sous des rochers arides
Tire dans ses filets le flacon précieux.
Il court, cherche un savant et lui montre sa prise,
Et, sans l’oser ouvrir, demande qu’on lui dise
Quel est cet élixir noir et mystérieux.

XXII
Quel est cet élixir? Pêcheur, c’est la science,
C’est l’élixir divin que boivent les esprits,
Trésor de la pensée et de l’expérience;
Et si tes lourds filets, ô pêcheur, avaient pris
L’or qui toujours serpete aux veines du Mexique,
Les diamants de l’Inde et les perles d’Afrique,
Ton labeur de ce jour aurait eu moins de prix.

XXIII
Regarde.—Quelle joie ardente et sérieuse!
Une gloire de plus luit dans la nation.
Le canon tout-puissant et la cloche pieuse
Font sur les toits tremblants bondir l’émotion.
Aux héros du savoir plus qu’à ceux des batailles
On va faire aujourd’hui de grandes funérailles.
Lis ce mot sur les murs: ‘Commémoration!’

XXIV
Souvenir éternel! gloire à la découverte
Dans l’homme ou la nature, égaux en profondeur,
Dans le Juste et le Bien, source à peine entr’ouverte.
Dans l’Art inépuisable, abîme de splendeur!
Qu’importe oubli, morsure, injustice insensée,
Glaces et tourbillons de notre traversée?
Sur la pierre des morts croît l’arbre de grandeur.

XXV
Cet arbre est le plus beau de la terre promise,
C’est votre phare à tous, Penseurs laborieux!
Voguez sans jamais craindre ou les flots ou la brise
Pour tout trésor scellé du cachet précieux.
L’or pur doit surnager, et sa gloire est certaine:
Dites en souriant comme ce capitaine:
‘Qu’il aborde, si c’est a volonté des dieux!’

XXVI
Le vrai Dieu, le Dieu fort, est le Dieu des idées.
Sur nos fronts sù le germe est jeté par le sort,
Répandons le Savoir en fécondes ondées;
Puis, recueillant le fruit tel que de l’âme il sort,
Tout empreint du parfum des saintes solitudes,
Jetons l’œuvre à la mer, la mer des multitudes:
—Dieu la prendra du doigt pour la conduire au port.


La botella en el mar

I
Ten valor, débil niño, tú que a mi soledad"
mandas cantos quejosos y sin nombre, que arrojas
ante mis resguardados ojos de hombre de estudio.
No recuerdes a aquellos que la muerte truncó:
Chatterton y Gilbert, Malfilátre; de la obra
del futuro no dejes de ser un santo idólatra,
las miserias del hombre que hay en ti olvida. Escucha.


II
Cuando un grave marino ve que el viento le lleva
con los mástiles rotos, cuando ve que en el duelo
que sostiene es el mar el más fuerte adversario,
y que en vano su ingenio sus recursos convoca;
que la fuerza del agua le sumerge y le arrastra,
que ha perdido el timón y con él todo rumbo,
se refugia en su calma y se cruza de brazos.

III
Ve los líquidos montes, con sus ojos los mide,
los desprecia sabiendo que le van a engullir,
toda su alma somete a la impura materia,
sabe que va a morir al igual que su barco.
Porque a veces el alma resistir ya no puede;
mas quien piensa se aísla y tan sólo la fe
de los fuertes le alienta y le presta socorro.

IV
Ya en la noche aquel joven capitán ha hecho todo
lo que estaba en su mano por salvar a los suyos.
Ni una vela aparece en las ondas lejanas,
todo es sombra y el brick va hacia las rocas indias.
Se resigna, ahora reza; y medita en Aquel
que sostiene los polos y que eriza con largos
meridianos la línea ceñidora del mundo.

V
Presto está al sacrificio; mas la tierra precisa
recoger del trabajo aquel fiel testimonio.
Es el diario estudioso de su afán solitario
que valdrá mucho más que el diamante y la perla;
es la carta marina que trazó en la tormenta,
y hay en ella el peñasco donde va a naufragar,
testamento sublime al futuro viajero.

VI
«Hoy», escribe, «nos lleva la corriente del mar
a la Tierra del Fuego, ya sin rumbo, perdidos.
Nos empuja hacia el este. Nuestra muerte es segura:
que se single hacia el norte evitando el escollo.
Acompaño mi diario que contiene un estudio
de las constelaciones de esta parte del cielo.
¡Que alguien pueda encontrarlo si así Dios lo dispone!

VII
Luego, inmóvil y frío, como el cabo brumoso,
centinela que guarda el estrecho del sur,
al igual que esas peñas revestidas de espuma,
negros picos con luto por algún español,
abre al fin la botella que parece más fuerte,
cuando el barco, arrastrado por la fuerza del agua,
gira en círculo igual que un milano que vuela.
Una mano sostiene a la fiel compañera,
cierra con la otra mano su negruzca abertura,
todavía el escudo de Champaña en el lacre;
hay espuma de Reims en su cuello verdoso.
Y al mirarla el marino rememora aquel día
cuando aquella botella reunió a todos sus hombres
para un brindis solemne a la enseña bendita

IX
Se quedaron al pairo celebrando una fiesta,
todos los tripulantes con un vaso en la mano;
cuando él dio la señal todos se descubrieron
prorrumpiendo en un hurra como una sola voz.
La sonrisa del sol blancas velas doraba;
repetían los aires aquel grito viril
noblemente invocando a la patria lejana.

X
Tras el hurra quedaron meditando en silencio.
En la espuma de Aï hay fulgores de dicha;
en el fondo del vaso todos ven a la Francia,
lo que en ella dejaron al partir con dolor:
uno a su padre anciano, junto al fuego, contando
por los días su ausencia; ve también en la mesa
un silla vacía junto a la de su hermana.

XI
Ve París quien contempla a su hija observando
la medida de todas las corrientes del aire,
y empañando con lágrimas el cristal de la aguja,
mientras trata de unir el imán con el hierro."
Otro allí ve Marsella. La mujer corre al puerto
y en la playa le tiende un pañuelo, insensible
a sus pies que el mar baña al subir la marea.

XII
¡Simulacros de amores inefables, murmullos
de las almas sonoras como si fueran voces,
oh el recurso a la ciencia, o engañosa ficción!
¿Por qué así os repetís tantas veces al día?
¿Por qué sois espejismos en el ciego horizonte?
¡Esperanzas de nieve que se amasan sin tregua
y se funden dejando nuestras manos vacías!

XIII
Los trescientos valientes, ¿dónde están? Derribados
por el viento en el seno de corrientes malditas,
presa de arpones indios, en sus cuerpos helados
sólo quedan jirones de su azul uniforme;
y antes que ellos murieron, su destral en el cinto,
oficiales muy doctos que cortaban los mástiles.
¡Y de aquellos trescientos sólo diez sobreviven!

XIV
Ahora vuelve sus ojos el capitán al polo
del que acaba de ver los ignotos estrechos.
Está hundido en el agua, que le llega a los hombros
y aún un brazo desnudo hacia el cielo levanta.
Su navío naufraga y su vida concluye:
lanza al mar la botella y al hacerlo saluda
al futuro que sabe que ahora empieza para él.

XV
Y sonríe al pensar que aquel vidrio tan frágil
llevará su mensaje y su nombre hasta el puerto;
que es como una isla nueva que así agranda la tierra;
que confía aquel astro descubierto a la suerte;
que Dios puede dejar que unas aguas absurdas
hundan barcos mas no pensamientos también;
y que con la botella ha vencido a la muerte.

XVI

Dicho está. ¡Que Dios quiere acudir en su ayuda!
Todo el brick anegado queda ya bajo el agua.
De un océano pasa a otro océano, flota
la botella mecida en su cuna vastísima.
Sola en medio del mar esa frágil viajera
sólo tiene por guía una brisa muy leve;
mas procede del arca, lleva un ramo de olivo.

XVII

Las corrientes la empujan, la detienen los hielos
y la cubren con pliegues de su manto blanquísimo;
y con ella tropiezan los caballos de mar,
la olfatean con susto, resoplando se alejan.
El verano, instrumento del destino cambiante,
rompe al fin la muralla de los hielos porfiados,
y flotando se acerca al ardiente Ecuador.

XVIII
Cierto día en que todo era calma en el mar,
cuyas olas de azul, de diamante y doradas
su esplendor devolvía a los soles del trópico
majestuoso un navío por allí hacía rumbo;
la botella es sagrada para el hombre de mar
y al instante su flámula se cubrió de señale!
se detiene y un bote es lanzado a las aguas.

XIX
Pero se oye a lo lejos el cañón del corsario;
el negrero va a huir con la ayuda del viento.
¡Zafarrancho! Abatid al siniestro enemigo.
¡Hundid oro y verdugos de poniente a levante!
La fragata sus botes recupera, los mete
en su seno cual ágil zarigüeya, y a impulsos
de la vela y vapor se apresura a singlar.

XX
¡Siempre sola en el mar, siempre sola, perdida
como un punto invisible en el móvil desierto!
La viajera errabunda sigue abriéndose paso
y ve vírgenes tierras aún ignotas a todos.
Temblorosa, parece condenada a flotar,
y descubre en su cuello que de un año a esta parte
ovas y algas le han hecho como un manto verdoso.

XXI
Una noche por fin vientos de las Floridas
hacia Francia la empujan, y en sus costas lluviosas
al pie de peñas áridas hay un buen pescador
que en sus redes recoge la valiosa botella.
Busca a un sabio corriendo y le muestra el tesoro
que no se atreve a abrir y pregunta cuál es
aquel negro elixir que contiene el misterio.

XXII

¿Qué elixir es aquél? Pescador, es la ciencia.
Es divino elixir que el espíritu bebe,
pensamiento, experiencias que son todo un tesoro.
Pescador, si en la malla de tus redes cogieras
todo el oro serpeante por las venas de México,
los diamantes de la India y las perlas del África,
tu trabajo aquel día fuese menos valioso.

XXIII
¡Oh, contempla qué júbilo tan ardiente y tan grave!
Ahora brilla en la patria otro nombre glorioso.
El cañón poderoso y la pía campana
su emoción comunican por el aire que tiembla.
Funerales solemnes hoy habrá por los héroes
del más arduo saber, no por gestas guerreras,
las paredes lo dicen: «Un recuerdo en su honor.»

XXIV
¡Oh, recuerdo perenne! Gloria al que ha descubierto
algo humano o del mundo, los dos grandes misterios,
lo que es justo y el Bien, fuentes mal conocidas,
o el espléndido abismo insondable del Arte.
Poco importa el olvido, la injusticia insensata,
remolinos y hielos de la gran travesía.
Sobre la última losa crece el árbol glorioso.

XXV
Otro no hay en la tierra prometida más bello,
es el faro de todos, pensadores tenaces.
Navegad sin temer ni las olas ni el viento
bien sellado el tesoro con el lacre precioso.
Pues tal oro no se hunde y su gloria es segura;
decid, pues, sonriendo, como aquel capitán:
¡Que alguien pueda encontrarlo si los dioses lo quie­ren! »

XXVI
Yo sé bien que el Dios fuerte es el Dios de la idea.
Si la suerte arrojó en la frente su germen,
el Saber extendamos en fecunda oleada;.
recojamos el fruto tal cual sale del alma,
perfumado de santas soledades, y entonces
arrojemos nuestra obra a los mares del mundo:
Dios hará que algún día llegue a puerto seguro

jueves, 11 de enero de 2018

Michel de Montaigne, Selección de sus Ensayos

“Señora, si no me salvan la originalidad y la novedad, que acostumbran  a dar valor a las cosas, jamás saldré dignamente de esta necia empresa; mas es tan fantástica y posee una apariencia tan alejada de lo común, que quizá por ello tenga un pasar. Una inclinación melancólica y por consiguiente muy enemiga de mi forma de ser natural, producida por la tristeza de la soledad, a la que me había entregado desde hacía algunos años, hizo que naciera en mi cabeza esta fantasía de meterme a escribir. Y después, hallándome enteramente desprovisto y vacío de cualquier otra materia, me presenté a mí mismo como argumento y tema. Es este un libro único en el mundo y en su especie, de propósito raro y extravagante. No hay cosa alguna en esta tarea digna de destacar, si no es esta misma rareza; pues a tema tan vano y vil ni el mejor artesano del mundo habría sabido dar forma que mereciese ser mencionada .

Hace varios años que soy yo el único objetivo de mis pensamientos, que no analizo y estudio más que mi propia persona; y si estudio otra cosa, es para aplicármela a mí. No hay descripción de tanta dificultad como la de uno mismo, ni ciertamente de tanta utilidad.

Sí, quizá me digan que este deseo de servirse de uno mismo como tema para escribir, sería excusable en hombres únicos y famosos, los cuales, por su celebridad hubieren inspirado cierto deseo de ser conocidos… Este reproche es muy verdadero, pero apenas sí me afecta… No erijo con esto una estatua para colocarla a la entrada de una ciudad, ni en una iglesia, ni en la plaza pública: Non equidem hoc studeo, bullatis ut mihi nugis / Pagina turgescat… Secreti loquimur(“No intento inflar mis páginas con bagatelas y con nimiedades; hablo de forma confidencial” Persio V,19)

Es para un rincón de la biblioteca y para divertir a un vecino, a un pariente, a un amigo que se entretendrá en descubrirme y compararme con esta imagen…Y aun cuando nadie me leyese, ¿acaso habría perdido el tiempo al ocuparme durante tantas horas ociosas en pensamientos tan útiles y agradables?

Al moldear en mí esta figura hube de alzarme y componerme tan a menudo para extraerme, que el modelo se afirmó y formó de algún modo a sí mismo. Al pintarme a mí para los demás, me pinté en mí con colores más nítidos que los míos primeros. No he hecho mi libro más de lo que mi libro me ha hecho, libro consustancial a su autor, mediante tarea propia, parte de mi vida; no mediante una tarea y una meta tercera y ajena como todos los demás libros.

¿Acaso he perdido el tiempo al haberme rendido cuentas de mí mismo tan continua y cuidadosamente? Pues aquellos que se dan un repaso en pensamiento solamente y en voz alta en algún momento, no se examinan tan esencialmente ni se penetran como aquél que hace de ello su estudio, su obra y su oficio, que se compromete a un análisis largo, con toda su fe y todas sus fuerzas.

¡Cuántas veces me ha distraído este trabajo de pensamientos enojosos! Y han de contarse como enojosos todos los frívolos. Nos ha obsequiado la naturaleza con una amplia facultad para entretenernos en privado y a ello nos llama a menudo para enseñarnos que nos debemos en parte a la sociedad, más, en la mejor parte, a nosotros. Para formar mi fantasía a que incluso sueñe con orden y proyecto, y salvarla de perderse y desbarrar en el viento, no hay como dar cuerpo y anotar tantos menudos pensamientos como se le ocurren.

¿Y qué decís de estar más atento a los libros desde que los acecho por ver si podré sisar algo con qué esmaltar y apuntalar el mío?

No estudié para hacer un libro; más sí estudié algo porque lo había hecho, si a revolotear y pellizcar de aquí y de allá, ora de un autor, ora de otro, puede llamársele estudiar; en modo alguno para formar mis ideas; sí, para, una vez formadas, ayudarlas, secundarlas y servirlas.

Quizá quieren que dé testimonio de mí con obras y hechos, y no sólo con desnudas palabras. Pinto principalmente mis pensamientos, objeto informe, que no puede reducirse a producto artesanal. A duras penas puedo meterlo en ese cuerpo etéreo de la palabra… Los hechos hablarían más acerca del destino que de mí. Dan testimonio de su papel, no del mío, a no ser por conjeturas y de forma incierta: retazos de una exhibición particular. Me expongo por entero: como una anatomía en la que a primera vista aparezcan las venas, los músculos, los tendones, cada pieza en su lugar.

No describo mis gestos, sino mi propia persona, mi esencia. Sostengo que se ha de ser prudente al juzgarse uno mismo e igualmente serio al dar testimonio, ya sea elevado, ya sea bajo, indistintamente. Ocuparse de uno mismo a algunos les parece que es complacerse en uno mismo; tratarse y observarse, quererse demasiado. Puede ser, mas ese exceso sólo nace en aquellos que se palpan superficialmente, que se miran después de sus asuntos, que a ocuparse de sí mismos, a formarse y a construirse, a hacer castillos en el aire, llaman ociosidad y fantasía: considerándose cosa secundaria y ajena a ellos mismos.

No dudo en modo alguno que a menudo caiga en hablar de cosas que tratan mejor los maestros del oficio y con más verdad. Esto es puramente la prueba de mis facultades naturales y en absoluto de las adquiridas; y quien me sorprenda en algún error, no hará nada contra mí, pues apenas si responderé ante los demás de mis razones, si no respondo de ellas ni ante mí mismo; ni de ellas estoy satisfecho. Quien va en busca de la ciencia, hállala allí donde se aloja: nada hay de lo que yo me jacte menos. Plasmo aquí mis ideas, mediante las cuales no pretendo dar a conocer las cosas, sino a mí mismo: quizá algún día me sean conocidas o me lo hayan sido antaño según me haya llevado la fortuna a los lugares en los que quedaban esclarecidas. Mas ya no lo recuerdo. Y si soy hombre de ciertos estudios, soy hombre de memoria nula.

Así, no garantizo certeza alguna si no es la de dar a conocer hasta qué punto llega en estos momentos el conocimiento que tengo. Que no se fijen en las materias sino en la forma que les doy.

Que vean, por lo que tomo prestado, si he sabido elegir con qué realzar mi tema. Pues hago que otros digan lo que yo no puedo decir tan bien, ya sea por la pobreza de mi lenguaje, ya por la pobreza de mi juicio.

Mucho me agradaría tener un conocimiento más perfecto de las cosas, mas no quiero comprarlo a cualquier precio. Mi proyecto es pasar dulcemente y no laboriosamente lo que me queda de vida. Nada hay por lo que quiera romperme la cabeza, ni siquiera por el saber, cualquiera que sea su valor. En los libros sólo busco deleitarme mediante sano entretenimiento; o si estudio, sólo busco con ello el saber que trata del conocimiento de mí mismo y que puede instruirme para bien morir y bien vivir.

Digo libremente mi parecer sobre todas las cosas, incluso sobre aquellas que quizá se salen de mi inteligencia, que en modo alguno considero que pertenecen a mi jurisdicción. Lo que opino de ellas revela la medida de mi vista y no la medida de las cosas.

Soy enemigo acérrimo de la obligación, la asiduidad y la constancia; que nada hay tan contrario a mi estilo como una narración extensa: me recorto con frecuencia, falto de aliento. Por tanto heme puesto a decir lo que sé decir, adecuando la materia a mi capacidad.  Y mis opiniones las estimo infinitamente atrevidas y constantes al condenar mi incapacidad. Realmente, también es un tema en el que ejercito mi juicio más que en ningún otro. El mundo mira siempre hacia fuera; repliego yo la vista hacia mi interior, la fijo y la ocupo allí. Cada cual mira de frente; yo miro dentro de mí: sólo he de vérmelas conmigo, me analizo sin cesar, me controlo y me pruebo. Los demás, si se dan cuenta, van siempre hacia otra parte, nemo in sese tentat descendere (“Nadie intenta verse a sí mismo”, Persio, IV,20) yo, me encierro en mí mismo.

Me estudio más que cualquier otro tema. Es mi metafísica y mi física. Dividen y apuntan sus ideas los sabios más específica y detalladamente. Yo que no veo en ellas más que lo que me dice la práctica, sin regla, presento las mías de modo general y a tientas. Como aquí; escribo mi pensamiento en artículos descosidos, como cosa que no puede decirse de una vez y en bloque.

Igualmente veo yo mejor que nadie que lo que aquí escribo no son más que lucubraciones de hombre que sólo ha probado la corteza de las ciencias en su infancia, reteniendo únicamente un aspecto informe y general; un poco de cada cosa y nada del todo, a la francesa. Mas profundizar más, quemarme las cejas estudiando a Aristóteles, u obstinarme en alguna ciencia, eso jamás lo hice; ni hay arte cuyas primeras líneas sepa trazar. Sea como fuere y sean cuales sean mis inepcias, quiero decir que no he intentado ocultarlas, al igual que un retrato de mi persona en el que hubiese plasmado el pintor, no un rostro perfecto, sino el mío, canoso y calvo. Pues aquí están mis sentimientos y opiniones; los entrego en tanto que constituyen lo que yo creo, no porque deban ser creídos. Sólo intento poner al descubierto mi manera de ser que podría ser otra mañana si un nuevo aprendizaje me hiciera cambiar.

Tomo al azar el primer tema que se me presenta. Todos me son igualmente buenos. Y jamás pretendo tratarlos por entero. Pues de nada puedo ver el todo. Aquéllos que pretenden mostrárnoslo, no lo hacen. De cien partes o rostros que cada cosa tiene, tomo uno de ellos, ya sólo para lamerlo, ya para rozarlo, ya para pellizcarlo hasta el hueso. Y a menudo gusto de cogerlo desde algún punto de vista inusitado. Me atrevería a tratar a fondo alguna materia, si me conociera menos. Esta mezcolanza de tantas cosas distintas se debe a que no me pongo manos a la obra más que cuando a ello me obliga una ociosidad demasiado insulsa, y sólo cuando estoy en casa. Así se ha construido en diversas situaciones y a intervalos, pues las circunstancias me retienen fuera varios meses a veces. Por otra parte, no corrijo mis primeras ideas con las segundas; quizá sí alguna palabra, más para cambiar, no para quitar. Quiero plasmar la evolución de mis pensamientos y que se vea cada cosa en su nacimiento. Me gustaría haber empezado más pronto y reconocer la marcha de mis mutaciones.

Yo voy cambiando indiscreta y tumultuosamente. Mi estilo y mi mente vagabundean igual. Se ha de tener cierta locura si no se quiere tener más necedad. Expongo aquí fantasías, informes e indecisas, no para establecer la verdad, sino para buscarla.

He envejecido siete años u ocho años desde que comencé. No pinto el ser. Pinto el paso: no el paso de una edad a otra, o, como dice el pueblo, de siete años en siete años, sino día a día, minuto a minuto. He de adaptar mi historia al momento. Podré cambiar dentro de poco no sólo de fortuna, sino también de intención. Es un registro de diversos y cambiantes hechos y de ideas indecisas cuando no contrarias; ya sea porque soy otro yo mismo, ya porque considere los temas por otras circunstancias y en otros aspectos. El caso es que quizá me contradiga, pero la verdad, como decía Demades, no la contradigo. Si mi alma pudiera asentarse, dejaría de probar y me decidiría; mas está siempre aprendiendo y poniéndose a prueba.

Los autores se dan a conocer al pueblo por alguna marca particular y externa; yo soy el primero en dar a conocer mi ser total, en mostrarme como Michel de Montaigne, no como gramático, o poeta, o jurisconsulto. Si se queja el mundo de que hablo demasiado de mí, me quejo yo de que él no piense sólo en sí.

Mas, ¿es lógico acaso que siendo tan individualista de costumbres, pretenda que se me conozca públicamente? Las fantasías de la música están guiadas por el arte, las mías por la suerte. Al menos tengo algo conforme a la disciplina, que jamás hombre alguno trató de tema del que entendiese y supiese más que del que yo he emprendido, y que en él soy el hombre más sabio que existe; en segundo lugar, que jamás nadie profundizó más en la materia, ni desmenuzó con más detalle los elementos y sus consecuencias; ni alcanzó más exacta y plenamente el fin que se había propuesto con su trabajo. Para acabarlo, no he de aportar más que la fidelidad; ésta es la más sincera y pura que puede haber. Digo la verdad, no tanta como en mí cabe, mas si tanta como oso decir; y oso más al envejecer, pues parece que se suele tener a esta edad más libertad para charlar y hablar de uno con indiscreción.

Os digo que cuando oigo a alguien detenerse en el lenguaje de los Ensayos, preferiría que se callase. No es tanto ensalzar las palabras como menospreciar el sentido. Si he errado, si muchos otros hacen más atractiva la materia, sin embargo, sea como sea, mal o bien, ningún escritor la ha sembrado ni mucho más sustanciosa, ni al menos más recia, en el papel.

Nosotros, mi libro y yo, vamos de acuerdo y con la misma marcha. En otros casos puédese elogiar la obra y criticar al obrero, por separado; en este no: si se ataca al uno, se ataca al otro.

¿Quién no ve que he tomado un camino por el cual seguiré sin cesar y sin esfuerzo mientras haya tinta y papel en el mundo? No puedo contar mi vida por mis actos: la fortuna los pone demasiado abajo; la cuento por mis pensamientos. ¿Y cuándo terminaré de representar la continua agitación y mutación de mis pensamientos, sea cual sea la materia en que caigan, dado que Diómedes llenó seis mil libros únicamente con el tema de la gramática?

Además de este provecho que saco escribiendo sobre mí, espero este otro: que si ocurre el que mis lucubraciones plazcan y convengan a algún hombre de bien antes de que yo muera, intente tratarme. Le doy mucho ya hecho, pues todo cuanto un largo conocimiento y una larga familiaridad podría proporcionarle en muchos años, lo ve a través de este escrito en tres días y con mayor seguridad y exactitud. Escribo este libro para pocos hombres y para pocos años.

He hecho lo que he querido: todos me reconocen en mi libro y a mi libro en mí.

Y yo no sé si no preferiría haber producido un hijo perfectamente formado mediante la unión con las musas que mediante la unión con mi mujer. A éste [los Ensayos] tal y como es, lo que le doy, se lo doy pura e irrevocablemente, como se da a los hijos corporales; ya no dispongo de ese pequeño bien que le he hecho; puede saber bastantes cosas más que yo ya no sé, y tener de mí lo que yo no he retenido y que habría de tomar prestado de él, como cualquier extraño, si lo necesitara. Él es más rico que yo, aunque yo sea más inteligente.

Le hablo al papel como hablo al primero que me encuentro.  ¿No hablo siempre así? ¿No me muestro así a lo vivo? ¡Basta! He hecho lo que he querido: todos me reconocen en mi libro y a mi libro en mí.

Petrarca

 A una joven en un verde laurel

Vi más blanca y más fría que la nieve 
que no golpea el sol por años y años; 
y su voz, faz hermosa y los cabellos
tanto amo que ahora van ante mis ojos, 
y siempre irán, por montes o en la riba. 

Irán mis pensamientos a la riba
cuando no dé hojas verde el laurel; 
quieto mi corazón, secos los ojos,
verán helarse al fuego, arder la nieve: 
porque no tengo yo tantos cabellos 
cuantos por ese día aguardara años.

Mas porque el tiempo vuela, huyen los años 
y en un punto a la muerte el hombre arriba, 
ya oscuros o ya blancos los cabellos,
la sombra ha de seguir de aquel laurel 
por el ardiente sol y por la nieve,
hasta el día en que al fin cierre estos ojos. 

No se vieron jamás tan bellos ojos,
en nuestra edad o en los primeros años, 
que me derritan como el sol la nieve:
y así un río de llanto va a la riba
que Amor conduce hasta el cruel laurel 
de ramas de diamante, áureos cabellos. 

Temo cambiar de faz y de cabellos
sin que me muestre con piedad los ojos 
el ídolo esculpido en tal laurel:
Que, si al contar no yerro, hace siete años 
que suspirando voy de riba en riba,
noche y día, al calor y con la nieve.

Mas fuego dentro, y fuera blanca nieve, 
pensando igual, mudados los cabellos, 
llorando iré yo siempre a cada riba
por que tal vez piedad muestren los ojos 
de alguien que nazca dentro de mil años; 
si aún vive, cultivado, este laurel.

A oro y topacio al sul sobre la nieve 
vencen blondos cabellos, y los ojos 
que apresuran mis años a la riba.


Amor lloraba, y yo con él gemía...

Amor lloraba, y yo con él gemía,
del cual mis pasos nunca andan lejanos, 
viendo, por los efectos inhumanos,
que vuestra alma sus nudos deshacía. 

Ahora que al buen camino Dios os guía, 
con fervor alzo al cielo mis dos manos 
y doy gracias al ver que los humanos 
ruegos justos escucha, y gracia envía. 

Y si, tornando a la amorosa vida,
por alejaros del deseo hermoso, 
foso o lomas halláis en el sendero, 

es para demostrar que es espinoso, 
y que es alpestre y dura la subida 
que conduce hacia el bien más verdadero.

Versión de F. Maristany


Bendito sea el año, el punto, el día...       

Bendito sea el año, el punto, el día,
la estación, el lugar, el mes, la hora
y el país, en el cual su encantadora
mirada encadenóse al alma mía.

Bendita la dulcísima porfía
de entregarme a ese amor que en mi alma mora,
y el arco y las saetas, de que ahora
las llagas siento abiertas todavía.

Benditas las palabras con que canto
el nombre de mi amada; y mi tormento,
mis ansias, mis suspiros y mi llanto.

Y benditos mis versos y mi arte
pues la ensalzan, y, en fin, mi pensamiento,
puesto que ella tan sólo lo comparte.

Versión de F. Maristany


El que su arte infinita y providencia...

El que su arte infinita y providencia 
demostró en su admirable magisterio, 
que, con éste, creó el otro hemisferio
y a Jove, más que a Marte, dio clemencia, 

vino al mundo alumbrando con su ciencia 
la verdad que en el libro era misterio, 
cambió de Pedro y Juan el ministerio
y, por la red, les dio el cielo en herencia. 

Al nacer, no le plugo a Roma darse,
sí a Judea: que, más que todo estado, 
exaltar la humildad le complacía;

y hoy, de una aldea chica, un sol ha dado, 
que a Natura y al sitio hace alegrarse 
donde mujer tan bella ha visto el día.



En la muerte de Laura

Sus ojos que canté amorosamente,
su cuerpo hermoso que adoré constante, 
y que vivir me hiciera tan distante
de mí mismo, y huyendo de la gente,

Su cabellera de oro reluciente, 
la risa de su angélico semblante
que hizo la tierra al cielo semejante,
¡poco polvo son ya que nada siente!

¡Y sin embargo vivo todavía! 
A ciegas, sin la lumbre que amé tanto,
surca mi nave la extensión vacía...

Aquí termine mi amoroso canto: 
seca la fuente está de mi alegría,
mi lira yace convertida en llanto. 

Versión de Alejandro Araoz Fraser


Fue el día en que del sol palidecieron... 

Fue el día en que del sol palidecieron 
los rayos, de su autor compadecido, 
cuando, hallándome yo desprevenido, 
vuestros ojos, señora, me prendieron. 

En tal tiempo, los míos no entendieron 
defenderse de Amor: que protegido 
me juzgaba; y mi pena y mi gemido 
principio en el común dolor tuvieron. 

Amor me halló del todo desarmado 
y abierto al corazón encontró el paso 
de mis ojos, del llanto puerta y barco: 

pero, a mi parecer, no quedó honrado 
hiriéndome de flecha en aquel caso
y a vos, armada, no mostrando el arco.


Los que, en mis rimas sueltas...

Los que, en mis rimas sueltas, el sonido 
oís del suspirar que alimentaba
al joven corazón que desvariaba
cuando era otro hombre del que luego he sido; 

del vario estilo con que me he dolido 
cuando a esperanzas vanas me entregaba,
si alguno de saber de amor se alaba, 
tanta piedad como perdón le pido.

Que anduve en boca de la gente siento 
mucho tiempo y, así, frecuentemente
me advierto avergonzado y me confundo; 

y que es vergüenza, y loco sentimiento, 
el fruto de mi amor é claramente,
y breve sueño cuanto place al mundo.



Mi loco afán está tan extraviado...

Mi loco afán está tan extraviado
de seguir a la que huye tan resuelta, 
y de lazos de Amor ligera y suelta 
vuela ante mi correr desalentado,

que menos me oye cuanto más airado 
busco hacia el buen camino la revuelta: 
no me vale espolearlo, o darle vuelta, 
que, por su índole, Amor le hace obstinado. 

Y cuando ya el bocado ha sacudido,
yo quedo a su merced y, a mi pesar, 
hacia un trance de muerte me transporta: 

por llegar al laurel donde es cogido 
fruto amargo que, dándolo a probar, 
la llama ajena aflige y no conforta.



Mis venturas se acercan lentamente...

Mis venturas se acercan lentamente, 
dudando espero, el ansia en mí renace, 
y aguardar y apartarme me desplace, 
pues se van, como el tigre, velozmente. 

Ay de mí, nieve habrá negra y caliente, 
sierras con peces, mar que olas no hace, 
y el sol se acostará por donde nace 
Eufrate y Tigris de una misma fuente, 

antes que ella una tregua, o paz, me ofrezca, 
o Amor otro uso enseñe a mi señora,
que en contra mía ya han pactado alianza: 

que si algo hay dulce, tras la amarga hora, 
hace el desdén que el gusto desfallezca;
y de sus gracias nada más me alcanza. 



No tengo paz ni puedo hacer la guerra...

No tengo paz ni puedo hacer la guerra;
temo y espero, y del ardor al hielo paso,
y vuelo para el cielo, bajo a la tierra,
nada aprieto, y a todo el mundo abrazo.

Prisión que no se cierra ni des-cierra,
No me detiene ni suelta el duro lazo;
entre libre y sumisa el alma errante,
no es vivo ni muerto el cuerpo lacio.

Veo sin ojos, grito en vano;
sueño morir y ayuda imploro;
a mí me odio y a otros después amo.

Me alimenta el dolor y llorando reí;
La muerte y la vida al fin deploro:
En este estado estoy, mujer, por tí.

Versión de Julián del Valle


Porque una hermosa en mí quiso vengarse...

Porque una hermosa en mí quiso vengarse 
y enmendar mil ofensas en un día, 
escondido el Amor su arco traía
como el que espera el tiempo de ensañarse. 

En mi pecho, do suele cobijarse,
mi virtud pecho y ojos defendía 
cuando el golpe mortal, donde solía 
mellarse cualquier dardo fue a encajarse. 

Pero aturdida en el primer asalto,
sentí que tiempo y fuerza le faltaba 
para que en la ocasión pudiera armarme, 

o en el collado fatigoso y alto 
esquivar el dolor que me asaltaba,
del que hoy quisiera, y no puedo, guardarme. 


Si con suspiros de llamaros trato...

Si con suspiros de llamaros trato,
y al nombre que en mi pecho ha escrito Amor, 
de que el Laude comienza ya el rumor
del primer dulce acento me percato. 

Vuestra realeza, que hallo de inmediato, 
redobla, en la alta empresa, mi valor; 
pero ¡Tate!, me grita el fin, que honor 
rendirle es de otros hombros peso grato. 

Al Laude, así, y a reverencia, enseña
la misma voz, sin más, cuando os nombramos, 
oh de alabanza y de respeto digna:

sino que, si mortal lengua se empeña 
en hablar de sus siempre verdes ramos, 
su presunción tal vez a Apolo indigna.



Si el fuego con el fuego no perece...

Si el fuego con el fuego no perece
ni hay río al que la lluvia haya secado, 
pues lo igual por lo igual es ayudado, 
y a menudo un contrario al otro acrece,

Amor -que un alma en dos cuerpos guarece-, 
si has siempre nuestras mentes gobernado, 
¿qué haces tú que, de moda desusado,
con más querer, así el de ella decrece? 

Tal vez igual que el Nilo que, cayendo 
desde muy alto, su contorno atruena,
o cual sol que, al mirarlo, está ofuscando, 

el deseo que consigo no consuena,
en su objeto extremado va cediendo 
y, al espolear demás, se va frenando.



Soneto

Bendecidos el año, el mes, el día
y la estación y el sitio y el instante
y el hermoso país en que delante
de su mirar mi voluntad rendía.

Y bendecida la tenaz porfía
de amor entre mi pecho palpitante, 
y el arco y la saeta y la sangrante 
herida que en mi corazón se abría.

Bendecida la voz que repitiendo
va por doquier el nombre de mi amada, 
suspiros, ansias, lágrimas vertiendo.

Y bendecido todo cuanto escribe
la mente que al loarla consagrada
en Ella y sólo para Ella vive.

Versión de Carlos López Narváez


Soneto a Laura
Paz no encuentro ni puedo hacer la guerra,
y ardo y soy hielo; y temo y todo aplazo;
y vuelo sobre el cielo y yazgo en tierra;
y nada aprieto y todo el mundo abrazo.

Quien me tiene en prisión, ni abre ni cierra,
ni me retiene ni me suelta el lazo;
y no me mata Amor ni me deshierra,
ni me quiere ni quita mi embarazo.

Veo sin ojos y sin lengua grito;
y pido ayuda y parecer anhelo;
a otros amo y por mí me siento odiado.

Llorando grito y el dolor transito;
muerte y vida me dan igual desvelo;
por vos estoy, Señora, en este estado.

Versión de Jorge A. Piris

Shakespeare, monólogo de Medida por medida



William Shakespeare 



Medida por medida (fragmento)



Claudio. ¡La muerte es una cosa terrible! 


Isabela. ¡Y una vida en la vergüenza, despreciable! 

Claudio. ¡Sí!… Pero morir e ir no sabemos adónde; yacer en frías cavidades y quedar allí para pudrirse; este calor, esta sensibilidad, este movimiento, convertirse en un puñado de blanda arcilla; esta inteligencia deliciosa, bañarse en olas de fuego, o residir en alguna región escalofriante, de murallas de hielos espesos; estar aprisionado, en vientos invisibles y arremolinarse, con violencia sin tregua, en derredor de un mundo suspendido en el espacio; o volverse más miserable que el más miserable de esos seres que imaginan aullando pensamientos inciertos y desarreglados. ¡Es demasiado horrible! Que la vida terrenal más penosa y más maldita que la vejez, la enfermedad, la miseria o la prisión pueda imponerse a una criatura, es un Paraíso en comparación a lo que tememos de la muerte.